Actualité 22.03.2013

ÉDITORIAL – Martin Houle (Kollectif) – "La solidarité architecturale au Québec"

La solidarité architecturale au Québec

Je rédige cet éditorial à la suite de la publication le 24 janvier dernier d’un avis de l’Ordre des architectes du Québec (OAQ) à ses membres de s’abstenir momentanément de répondre à l’appel d’offres de services professionnels de la Ville de Victoriaville pour le concours d’idées d’un nouveau centre de diffusion culturelle.

Suite à la plainte de certains de ses membres (et non d’une initiative directe de l’OAQ), ce dernier a analysé le document de la ville et a pris la peine d’émettre cet avis écrit à l’ensemble de ses membres :

« Il apparaît en effet que cet appel d’offres ne répond pas aux règles de l’OAQ dont l’objectif est de garantir la légitimité, l’équité et la transparence du processus. L’Ordre a donc pris contact avec le donneur d’ouvrage, l’organisme à but non lucratif Diffusion Momentum, et avec le consultant Sylvain Gagné, afin de clarifier la situation. La demande de l’Ordre est simple: il souhaite que le processus soit ajusté et a offert sa collaboration à cet effet.

D’ici à ce que la situation soit clarifiée, l’Ordre ne peut que déconseiller vivement à ses membres de répondre à cet appel d’offres. »

Deux articles de journaux sont alors apparus dans les médias :

LA TRIBUNE : « L’Ordre des architectes irrité par une démarche de la Ville de Victoriaville » (8 février 2013)

LA NOUVELLE : « Onze firmes répondent à l’appel de Victo » (8 février 2013)

Je vous rappelle que la mission officielle de l’OAQ stipule :

« L’Ordre des architectes du Québec s’engage à contribuer au bien-être et à l’essor de la société québécoise par la promotion de la qualité dans la conception et la production architecturales. Cette contribution s’appuie sur une démarche d’ouverture et d’échange avec le public ainsi que sur une amélioration constante de l’exercice de la profession. »

Dans notre cas précis, c’est la dernière phrase de la mission qui compte. Comment expliquer que onze firmes d’architecture ont fait fi de cet avis de leur ordre professionnel? Par ignorance, par appât du gain, par opportunisme? J’aimerais bien connaitre leur point de vue… À noter qu’avant de publier la nouvelle sur Kollectif le 22 février dernier, j’ai fait une vérification préalable auprès de l’Ordre à savoir si le dossier avait évolué avec le consultant du concours, Monsieur Sylvain Gagné, depuis la publication de l’avis: la réponse fut « Non!».

En vérité, la seule « gagnante » dans toute cette histoire est la Ville de Victoriaville : elle a remporté son pari malgré les avertissements d’une entité de l’Office des professions du Québec qui relève directement du ministre de la Justice du Québec. La satisfaction de la ville entourant l’organisation de « son » concours d’idées ne pourrait être plus justifiée : certaines des plus prestigieuses firmes d’architecture du Québec ont répondu positivement à leur appel. En ne reconnaissant pas la valeur du Guide de concours de l’OAQ qui a été élaboré par des architectes, Victoriaville fait un pied de nez à notre formation, à notre expérience dans le domaine des concours et à la valeur de notre travail. Dois-je rappeler que ce guide vise à encadrer le processus et protéger les intérêts de tous les acteurs impliqués? Victoriaville a ré-écrit les règles À SA CONVENANCE : cela laisse donc place à un dangereux précédent dans l’octroi de contrats professionnels par concours, ce qui n’est pas du tout dans l’intérêt de la profession… Notez que ce type d’action de la part de certains collègues entache le travail que l’OAQ (et d’autres organisations et associations) fait auprès des donneurs d’ouvrage depuis presque une décennie afin de valoriser notre profession (voir p.10 et 11 du lien). Dois-je rappeler l’origine de cette demande explicite de « juste » reconnaissance de nos compétences? De ses propres membres… Alors on cherche collectivement à construire notre crédibilité d’une main, mais on la détruit individuellement de l’autre

Enfin, le chapitre du concours de Victoriaville a été une occasion ratée de démontrer aux donneurs d’ouvrage, au grand public (publication des articles de journaux précédents) et surtout à nous mêmes, que les architectes du Québec peuvent faire preuve de solidarité professionnelle: la seule chose que nous avons réussi à prouver aux yeux de tous, c’est que notre solidarité architecturale a un prix, qu’elle est fragile, sélective et surtout, incohérente…

Suis-je le seul à hocher de la tête présentement?

Martin Houle, architecte
Directeur-fondateur, Kollectif

Pour consulter le Guide de concours de l’Ordre des architectes du Québec…

(*) Les propos mentionnés dans la section « éditoriale » de Kollectif n’engagent que son auteur.
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